jeudi 29 mai 2008

Le fils prodigue...

Les premières douleurs apparurent dans le milieu de la nuit, après ce merveilleux après-midi passé avec Aimé dans le parc de la polyclinique. Ils avaient encore évoqué le visage de leur enfant qui allait naître, de la brassière que la mère d'Aimé avait fini depuis plus de trois mois... "On sait jamais, s'il arrive plus tôt... et puis je l'ai fait bleu, parce-que ce sera un garçon ! Claire a un ventre bien pointu, ce ne peut être qu'un petit gars !" Elle savait de quoi elle parlait la grand-mère, elle qui avait donné naissance à six filles et deux garçons. Et puis surtout ils avaient parlé de l'avenir, de ce demain qui ne serait plus jamais le même.

Mais toutes ces images, ces instants de bonheur furtifs, disparurent très vite avec l'arrivée des premières contractions. Claire savait que la souffrance allait grandir. Sa mère l'avait prévenue "Tu vas en baver, faire un gosse c'est pas une partie de plaisir !". Un peu plus de réconfort l'aurait sûrement rassurée, mais ce n'était pas le genre de sa mère qui trouvait dans ses origines bretonnes, cette force et cette dureté qui l'empêcha toute sa vie de laisser parler son cœur. Elle savait qu'Aimé était là, elle l'avait aperçu tandis qu'on la conduisait sur un chariot dans la salle d'accouchement. Curieusement à l'arrivée du docteur Rosier, les douleurs diminuèrent... mais ce ne fut qu'un court instant de répit. Des heures à sentir son ventre se durcir, se tordre, se rétrécir... l'angoisse grandissait. Les visages des infirmières se fermaient un peu plus à chaque contraction. Derrière ses lunettes, le docteur Rosier accompagnait du regard les efforts de Claire, ses paroles ne suffisaient pas à la rassurer. Il venait de parler de spatules, et elle avait vu arriver deux cuillères brillantes. La seconde qui suivit, le froid du métal pénétrant ses entrailles lui arracha un cri. Une minute interminable lui fit revoir tout son parcours... elle partait, son corps n'en pouvait plus, la douleur était trop forte. "C'est un garçon !" s'écria le docteur. Ce sont les dernières paroles que Claire entendit avant de perdre connaissance.

"Réveillez-vous, madame, vous avez un beau garçon ! Madame, réveillez vous !" La dernière gifle que Claire avait reçue, c'est sa mère qui la lui avait donnée et elle ne se souvenait plus pourquoi. Et ce matin, cette gifle que l'infirmière venait de lui donner, c'était une sorte de bénédiction, une façon de lui dire que maintenant elle était une maman et qu'elle n'avait plus qu'une raison de vivre : son fils.

Mais où était-il son fils ? Après tant de souffrance, de mois d'attente, elle savait qu'il était arrivé, mais il n'était pas là ! L'angoisse revint, plus forte, plus intense. Que se passait-il ? Pourquoi lui avait-on enlevé son enfant ? Son cœur se mit à battre très fort, dans sa tête tout se bousculait... ce n'était pas possible, elle n'avait pas fait tout ça pour en arriver là ! On lui avait dit que des fausses couches, ce n'était pas bon, que les grossesses qui suivaient étaient risquées, surtout pour l'enfant. On pouvait avoir des mongoliens comme le fils Jacob qui habitait à côté de chez eux ! Et le docteur Rosier, il est où ? Pourquoi n'est-il pas là ? Et ce grand gaillard brun que tout le monde appelle docteur Bernard, que fait-il là ?

Dans un effort venu du fond de son ventre, elle cru s'écrier "où est mon bébé ?", mais seul un filet de voix se fit entendre de ceux qui l'entouraient. "Ah, vous voilà de retour parmi nous ! Félicitations vous avez bien travaillé, vous avez un beau bébé de 3,8 kilos... une performance pour un premier !" C'est celui que tout le monde appelait docteur Bernard qui venait de lui parler. "Où est mon bébé ?" supplia-t-elle avec plus de force. "Soyez tranquille, il va bien, nous l'avons mis en couveuse après l'épreuve qu'il vient de subir, il avait besoin d'un peu de chaleur"... "Et, comment est-il ?" osa à peine demander Claire. "Comment ça, comment il est, il est magnifique... un beau petit rouquin...". Aimé venait d'être autorisé à entrer dans la salle d'accouchement. Il se précipita sur Claire en pleurs, "Il est beau tu sais !". Avec un sourire rempli de fatigue et de bonheur Claire répondit "Jean Michel, c'est un joli prénom..."

1 commentaire:

Célia a dit…

:)

C'est vraiment très beau se que tu écris papa.
J'adore. ;)